Les chiroptères, communément appelés chauves-souris, sont une espèce de mammifères placentaires comptant près de 1 400 sous-espèces. Ici nous nous concentrerons sur les chauve-souris “à queue libre” du Brésil (Tadarida brasiliensis) et les chauve-souris “à oreilles de souris” (Myotis myotis).
La première, T. Brasiliensis, est considérée comme l’un des mammifères les plus abondants d’Amérique du Nord. L’hiver, les populations migrent vers le Mexique, l’Amérique centrale voire l’Amérique du Sud pour les mois d’hiver les plus froids. Seules quelques populations, comme celles vivant dans l’est du Texas, ne sont pas migratrices.
La seconde espèce, M. Myotis, est la plus grande espèce de chauve-souris britannique. Elle vit dans des paysages plutôt ouverts où elle peut chasser facilement. Elle est parfois migratrice, parcourant jusqu’à 100 kilomètres pour trouver des conditions d’hibernation appropriées.
Le bruit anthropique, c’est-à-dire causé par l’homme directement ou indirectement, est devenu un polluant mondial majeur, et des études ont montré qu’il peut affecter les animaux. Par conséquent, les bruits anthropiques, tels que le bruit des machines, de la construction ou de la circulation, doivent être considérés comme une forme grave de changement environnemental et de pollution.
Bien que les chauves-souris soient capables de voir, elles ont développé une méthode unique et sophistiquée d’utilisation des sons qui leur permet de se déplacer et de trouver de la nourriture dans le noir : l’écholocation. Cette technique consiste à émettre des impulsions sonores à haute fréquence par la bouche ou par le nez et en écoutant l’écho de l’onde sonore. Cet écho donne à la chauve-souris de nombreuses informations qui lui permettent de connaître la taille, la forme et la texture des objets dans son environnement. Cette fonction est essentielle pour que les chauves-souris puissent se nourrir et trouver de la nourriture.
Les capacités d’écholocation des chauve-souris sont perturbées par la pollution sonore. Des études ont démontré que le bruit de la circulation routière affecte l’efficacité de la recherche de nourriture des chauves-souris M. Myotis, qui chassent principalement des insectes se déplaçant sur le sol. Ces effets nuisibles ont été observés sur d’autres espèces de chauves-souris et plusieurs études ont montré l’impact négatif des routes plus larges et d’un trafic important (30 à 40 000 véhicules par jour).
Après les effets de la pollution sonore sur l’écholocation, nous allons maintenant aborder la manière dont la pollution sonore affecte la recherche de nourriture chez les chauves-souris. Plus précisément, nous examinerons plus en profondeur l’exemple de M. Myotis.
La pollution sonore, produite notamment par les routes qui traversent l’habitat des chauves-souris, a pour effet de perturber la communication entre les chauves-souris et leurs habitudes de recherche de nourriture. De nombreuses zones importantes pour la recherche de nourriture sont traversées par des routes asphaltées, qui produisent généralement plus de bruit. Des chercheurs polonais ont mené une étude qui a démontré que les chauves-souris se trouvaient plus souvent près des routes asphaltées que des routes forestières moins gênantes, car elles se trouvaient dans leurs zones d’alimentation. Il a été démontré que la pollution sonore des routes réduit l’efficacité de la recherche de nourriture d’une espèce de chauve-souris appelée “greater mouse-eared bat”. Cette espèce chasse les insectes qui se déplacent sur le sol en utilisant l’écoute passive. D’autres études ont montré que le trafic intense décourage les chauves-souris de chercher leur nourriture près des routes.
Les chauves-souris M. myotis sont très répandues en Europe méridionale et centrale, où leurs habitats sont traversés par de nombreuses routes. Une étude publiée dans le Journal of Experimental Biology montre que les chauves-souris en quête de nourriture évitent activement les bruits anthropogéniques, ce qui limite les proies qui leur sont accessibles. Les chercheurs ont créé deux compartiments et enregistré l’activité des chauves-souris à la recherche de nourriture lorsqu’elles étaient exposées à une stimulation sonore anthropique ou au “silence”. Lorsque le stimulus sonore était présent dans un compartiment, les chauves-souris l’évitaient catégoriquement. Cette étude suggère que les zones de recherche de nourriture situées à proximité d’autoroutes ou d’autres sources de bruit intense à large bande sont moins adaptées à la recherche de nourriture.
Il existe de plus en plus de preuves que les bruits de la circulation, en particulier, affectent la communication de plus d’espèces que l’homme, et de nombreuses études ont montré que la pollution sonore est très préjudiciable aux chauves-souris. Dans les zones très bruyantes, les chauves-souris sont incapables de rechercher activement de la nourriture et peuvent même complètement éviter les zones bruyantes, comme les grandes routes. Une nouvelle étude de Schaub et al. montre comment le bruit de la circulation masque des bruits essentiels pour les chauves-souris qui trouvent leur nourriture en écoutant les sons que produisent leurs proies. Cette étude s’est concentrée sur la grande chauve-souris à oreilles de souris, Myotis myotis, une espèce qui consomme des scarabées, des taupins, des araignées et des mille-pattes au sol. Dans le cas de Myotis myotis, la base sensorielle de la détection des proies est bien comprise. Alors que les chauves-souris utilisent l’écholocation pour chasser des proies aériennes, elle est inefficace lorsqu’il s’agit de rechercher des proies au sol et parmi la végétation, car les échos de la proie se superposent aux échos de la végétation. Au lieu de cela, Myotis myotis et d’autres espèces qui chassent les insectes au sol, réduisent le volume de leurs cris d’écholocation et écoutent les bruits et les sons de leurs proies. Ces chauves-souris localisent leurs proies en écoutant leurs sons au sol, mais les bruits de la circulation sont capables de masquer ces sons. Dans ce cas, les bruits de la circulation ont gravement compromis la détection des proies de la chauve-souris, qui ne pouvait plus chercher sa nourriture comme avant.
Pour mieux comprendre comment les chauves-souris s’adaptent aux sons forts du monde moderne, les scientifiques se sont rendus dans des gisements de gaz naturel du nord du Nouveau-Mexique, qui contiennent des machines très bruyantes. Comme nous l’avons vu, les chauves-souris qui chassent les arthropodes se basent sur des informations auditives pour se nourrir.
Une partie de ces informations auditives peut entrer dans le spectre du bruit anthropique, qui peut potentiellement interférer avec la réception et le traitement des signaux par les chauves-souris.
Les stations de compression associées à l’extraction du gaz naturel produisent un bruit à large bande 24 heures sur 24, 365 jours par an. Avec plus d’un demi-million de puits de gaz en production aux États-Unis, cette infrastructure est une source majeure de pollution sonore dans le paysage.
Certains puits sont équipés de compresseurs qui créent un son constant, tandis que d’autres puits sont plus silencieux. Les scientifiques ont utilisé la surveillance acoustique pour comparer le niveau d’activité (nombre de minutes dans une nuit avec un appel de chauve-souris) de l’assemblage de chauve-souris sur des sites avec des stations de compression et des sites sans cette infrastructure. Au cours des deux mois d’écoute des cris que les chauves-souris utilisent pour localiser leurs proies, les chercheurs ont découvert que les chauves-souris brésiliennes à queue libre passaient 40 % moins de temps près des compresseurs.
Ces chauves-souris ont également modifié leurs cris pour adopter une gamme acoustique plus réduite à proximité des machines. Au total, on estime que 365 km3 de l’habitat des chauves-souris sont directement affectés par le bruit. Cependant, comme les puits sont répartis dans toute la région, une zone beaucoup plus grande est susceptible de subir une dégradation de l’habitat et éventuellement une fragmentation.
Le chevauchement géographique de l’aire de répartition de T. brasiliensis (zone grise) avec les données disponibles pour les stations de compression de l’ouest des États-Unis (jaune). Il est clair que les bruits des machines nuisent aux performances des espèces de chauves-souris qui chassent en écoutant les insectes se déplaçant sur le sol.
Les résultats suggèrent que la pollution sonore nuit à certaines chauves-souris en les privant d’habitat ou en les empêchant de chasser. Bien que les chauves-souris tentent de s’adapter à la pollution sonore en évitant les endroits bruyants et en modifiant leur cri, il est possible pour l’homme de contribuer également à l’arrêt de la pollution sonore. Nous pouvons nous-mêmes faire des choses comme éviter les activités de loisirs très bruyantes, opter pour des moyens de transport alternatifs comme le vélo ou les véhicules électriques plutôt que de prendre la voiture, faire les tâches ménagères bruyantes aux heures recommandées et isoler les maisons avec des matériaux absorbant le bruit.
En outre, l’éducation de la jeune génération est également un aspect essentiel de l’éducation environnementale. Les gouvernements peuvent également prendre des mesures pour assurer une gestion correcte du bruit et réduire la pollution sonore. Ils peuvent par exemple protéger certaines zones comme des parties de la campagne, des parcs ou des endroits où il y a beaucoup d’animaux sauvages qui pourraient être affectés par le bruit. L’établissement de réglementations comprenant des mesures préventives et correctives, comme la séparation obligatoire entre les zones résidentielles et les sources de bruit comme les aéroports, des amendes en cas de dépassement des limites de bruit, pourraient être aussi très utiles. La création de zones piétonnes où la circulation n’est autorisée qu’à certains moments de la journée, ou le remplacement de l’asphalte traditionnel par des options plus bruyantes pourraient également être des mesures importantes pour mettre fin à la pollution sonore.
Sources bibliographiques
- https://www.science.org/content/article/bats-change-their-tune-cope-human-noise-pollution
- https://wildlife.org/how-bats-hunt-in-noise-pollution/
- https://ec.europa.eu/environment/integration/research/newsalert/pdf/noise_from_human_activity_can_impair_foraging_in_bats_425na2_en.pdf
- https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S096098220801292X
- https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S235198941400064X
- https://journals.biologists.com/jeb/article/211/19/3174/18275/Foraging-bats-avoid-noise
- https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1361920917307034